A l’occasion de la sortie de La Lune est blanche, Emmanuel Lepage revient sur son voyage en Antarctique qu’il a partagé et mis en livre avec son frère. Il nous raconte la mise en forme de ce BD reportage, qui a été aussi mouvementée que le voyage imprévisible.

Le BD reportage, une nouvelle manière de raconter
Avant de partir, vous aviez déjà une idée de la forme qu’allait prendre votre livre ?
On n’avait pas d’idées précises, si ce n’est qu’on allait travailler ensemble, mon frère et moi. On savait que ce serait moi qui raconterai l’histoire mais durant le voyage, chacun a travaillé dans son coin. C’est au retour, qu’on a tout rassemblé.
Au début, ça partait dans tout les sens. Au fur et à mesure, l’histoire devient comme une pâte que je malaxe. Tout change tout le temps lors de l’écriture : ils ont du mérite chez Futuropolis, car j’ai fait 5 versions du scénario, sans compter les sous versions… Je retouche sans cesse les séquences pour qu’elles aient un rythme juste, pas trop court, pas trop long.

Le scénario se monte comme ça : j’ai le sentiment un peu absurde, non pas d’inventer une histoire mais d’aller chercher une histoire qui préexisterait. Je fais des pages comme des hypothèses et je les mets à l’épreuve de l’histoire. Cette histoire se fait à plusieurs : par exemple les scientifiques me racontent ce qu’ils font, ensuite je leur propose un dialogue synthétique. Après ils me répondent, « oui mais c’est plus compliqué », on échange et à la fin je dois avoir créé quelque chose qui s’adresse à des lecteurs qui ne sont pas des scientifiques sans être faux.
Un nouveau mode de narration est né ?
Avec Voyage aux îles de la Désolation, j’ai balayé, avec quand même quelques résistances, les règles de bases de la bande dessinée. Avant j’étais persuadé qu’il faut d’abord écrire l’histoire et ensuite dessiner. J’étais rentré de ce voyage avec 130 croquis et pas de scénario ! Ce sont eux qui ont guidé le récit qui va d’un dessin à l’autre. J’ai donc pris un plaisir immense à explorer cette liberté. Comme ce livre complètement différent a été très bien accueilli, j’ai fait Un Printemps à Tchernobyl. J’avais trouvé une forme nouvelle pour raconter ce voyage.

Croquis réalisé lors du voyage aux Îles de la Désolation
Assembler des morceaux disparates m’a permis de trouver comment raconter dans La Lune est blanche, un voyage où on passe l’essentiel de notre temps à attendre. Ou avoir l’impression de refaire tous les jours la même chose. Avec ces handicaps, je trouve de nouvelles formes pour raconter des histoires : je renouvelle mon plaisir de créer.
Le choix du noir et blanc est apparu rapidement ?
C’est un peu un accident de parcours. Je me suis dis, je vais revenir à la couleur pour ne pas faire comme dans Voyage aux îles de la Désolation où j’avais laissé en couleur ce qui avait été fait sur place et en noir et blanc le récit construit par la suite. Donc les trois premières pages qui sont le présent du livre sont en couleur.

Le long flash-black était prévu en noir et blanc avant de repasser à la couleur lors du moment où on entre en Antarctique. Mon idée était de faire un album sans vert pour que la dernière image soit la seule à en contenir. J’ai dû abandonner car la couleur ne fonctionnait pas : elle cassait la lecture. J’ai donc demandé à Futuropolis de passer en gris les pages d’arrivée en Antarctique. Ensuite j’ai juste ajouté quelques pointes de couleur à un récit en noir et blanc pour souligner un moment précis.
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